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21 Juil 2016

L’opposition au régime des mollahs, réunie au Bourget, aspire à la laïcité

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L’opposition au régime des mollahs, réunie au Bourget, aspire à la laïcité

Début juillet, le Bourget accueillait l’opposition iranienne en exil, réunie pour lutter en faveur, entre autres, d’un État laïque interdisant toute discrimination religieuse.

«1000 Ashraf », lit-on sur les milliers de pancartes jaunes brandies par la foule. Ashraf est le nom d’un camp d’exilés iraniens bâti dans le désert irakien. C’est aussi l’un des symboles du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), une coalition de groupes d’opposition, dont les Moudjahidines du peuple d’Iran, rassemblée avec ses sympathisants, le 9 juillet, pour un show politique au sein de l’immense parc des expositions du Bourget, en Seine-Saint-Denis. En septembre 2013, ce camp de réfugiés, abritant des membres de l’opposition iranienne, a été la cible d’une attaque. Dans un bain de sang, près d’une cinquantaine de vies furent brisées. « Un, deux, trois, mille Ashraf! Nous bâtirons mille Ashraf, mille cités de la résistance, mille foyers du non au régime des mollahs, du oui à la liberté et la démocratie », scandent des centaines de participants animés par une soif de changement.
Membres de la diaspora, personnalités politiques et dignitaires religieux internationaux, tous aspirent à un Iran plus libre. Ils ne veulent plus de du régime autoritaire actuel, cette théocratie islamique, gouvernée par un président, Hassan Rohani, et par un Guide suprême, Ali Khamenei.
À leur place, ils aimeraient voir Maryam Radjavi, qui préside le CNRI. Voilée, en tailleur vert, son discours, en milieu d’après-midi, déclenche un tonnerre d’applaudissements. « Nos compatriotes kurdes, arabes et baloutches, les fidèles des diverses religions, en particulier nos sœurs et nos frères sunnites, se disent davantage la cible de répression et de discrimination qu’auparavant, avec des arrestations et des exécutions à Ahwaz dans le sud-ouest de l’Iran, jusqu’aux bombardements au mortier des villages du Kurdistan », clame-t-elle.
Au cœur de son programme politique, composé de dix points centraux, figurent aussi des changements d’ordre religieux :« La Résistance iranienne est engagée dans la séparation de la religion et de l’État. Toute forme de discrimination contre les adeptes de toutes les religions et de tous les cultes sera interdite. » Pour réfléchir à ces questions, le CNRI, non affilié à une religion particulière, dispose d’une commission pour la liberté des cultes, dans laquelle siègent, par souci d’égalité, une vingtaine de personnes aux croyances multiples.
Des vies qui basculent
Dans la République islamique d’Iran, née de la Révolution de 1979, le religieux prime sur le politique. Le Guide suprême a autorité sur l’exécutif ainsi que les pouvoirs législatif et judiciaire au point d’être en droit de déchoir le président, élu, quant à lui, au suffrage universel. De plus, si la majorité de la population appartient à la religion officielle – l’islam chiite duodécimain –, en Iran vivent des chrétiens, des musulmans sunnites, des juifs, des zoroastriens, des bahaïs ou encore des yarsans dont la liberté de culte est entravée. Comme l’atteste l’accablant rapport d’Amnesty international : « Des informations ont fait état de l’arrestation et de l’incarcération de plusieurs dizaines de bahaïs, de musulmans convertis au christianisme et de membres d’autres minorités religieuses, entre autres pour avoir dispensé des cours à des étudiants bahaïs, à qui l’enseignement supérieur est interdit. »

Au milieu de la foule, des Iraniens osent témoigner des persécutions religieuses qu’ils ont subies. À l’instar de Saeed, aujourd’hui exilé aux États-Unis. Jeune adulte alors de confession chiite, sa vie bascule et prend une autre dimension lorsqu’il se convertit au christianisme. Pasteur, il forme un réseau d’églises dans une trentaine de villes. Les cultes, clandestins, sont célébrés dans les habitations. Tout s’arrête en 2013 quand le régime le condamne à huit ans de prison. « J’ai été emprisonné soi-disant à cause de mes activités politiques. Mais, en réalité, seuls mes engagements religieux dérangeaient », confie-t-il. Aujourd’hui libre, Saeed s’attriste du sort des autres convertis au christianisme, qui, selon lui, seraient de plus en plus nombreux.
Nous croisons Karim, qui a également posé ses valises outre-Atlantique. À 50 ans, il a abandonné le chiisme pour embrasser le sunnisme. « Le régime des mollahs m’a détourné du chiisme qui ne m’apparaissait plus comme une religion de paix », soulève ce réfugié politique. Quant à Mohsen, informaticien de 34 ans, en France depuis six ans, il est heureux aujourd’hui de pouvoir exprimer librement ses convictions religieuses : « En Iran, mieux vaut se taire lorsque tu n’es pas chiite. Seuls mes amis étaient au courant de mon agnosticisme. »
Le soutien de Jacques Gaillot
Ces Iraniens en exil, aux trajectoires parfois douloureuses, peuvent compter sur le soutien de pasteurs et de prêtres étrangers, présents au rassemblement. Bon nombre d’entre eux viennent des États-Unis et d’Angleterre comme le pasteur Edward Young, qui considère sa présence comme tout à fait naturelle : « Le christianisme étant une religion de paix et d’amour, c’est notre rôle, à nous pasteurs, de supporter les religieux persécutés. » Un discours auquel souscrit Daniel Delgado, pasteur évangélique de l’État de New York, venu « apporter de l’espérance à un peuple en souffrance. »
Aux côtés de ces leaders charismatiques, la présence d’un prêtre français peut surprendre. Pourtant, Jacques Gaillot, ancien évêque d’Évreux, connu pour ses prises de position militantes, fait partie des « vieux meubles de la résistance », comme il aime à se qualifier avec humour. Déjà vingt-cinq ans qu’il soutient l’opposition. « Dès que se déroulent des événements heureux ou malheureux, je me joins à leur mouvement. Ce rassemblement est un peu une vitrine de la résistance iranienne. » Le prélat catholique, qui n’a pas froid aux yeux, porte un regard bienveillant sur le CNRI : « L’important, ce n’est pas d’entrer en résistance mais de le demeurer jusqu’au bout. Eux tiennent. Eux sont courageux. »
Selon le CNRI, un autre camp qui abrite des réfugiés iraniens et membres de l’opposition, implanté aux abords de l’aéroport de Bagdad, a été de nouveau bombardé début juillet. Pourtant, quelques jours plus tard, l’opposition est toujours debout et ne désarme pas.

Maryam Radjavi

Maryam Rajavi

Présidente-élue du Conseil
national de la Résistance
Iranienne

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