21 Juin 1996

Maryam Radjavi : Les Femmes, la voix des opprimés

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Maryam Radjavi : Les Femmes, la voix des opprimés

Discours à Earls Court (Londres) – 21 juin 1996

Permettez-moi d’abord de vous remercier pour votre soutien sans faille et de saluer mes chers compatriotes qui participent aux meetings anniversaire du 20 juin et nous suivent en direct.
C’est un honneur pour moi de vous rencontrer et de participer à ce magnifique rassemblement. Chaque année, à cette occasion, nous parlons du 20 juin et d’un cri de liberté qui marquera à jamais les pages de l’histoire de l’Iran. Je commence par honorer le 15e anniversaire de ce tournant.
Le 20 juin, les Iraniens se sont soulevés contre la répression. Cette date marque le début d’un mouvement de résistance acharnée et tortueuse contre la tyrannie religieuse. Le 20 juin célèbre aussi l’anniversaire de la fondation de l’Armée de libération nationale iranienne (ALNI) symbole de la volonté du peuple iranien. Cette date est enfin désignée comme la Journée des martyrs et des prisonniers politiques en Iran, ces étoiles brillantes qui ont percé les ténèbres de l’oppression par leur immense sacrifice à la cause de la liberté et de la souveraineté populaire.
Je souhaite rendre hommage à toutes les femmes qui ont lutté à travers le monde pour l’égalité et l’émancipation. Je salue les femmes opprimées de ma patrie, l’Iran, dont des dizaines de milliers sont tombées martyres dans la lutte pour la liberté.
Je rends en particulier hommage à la mémoire d’Achraf Radjavi, pionnière de la Résistance gravement torturée dans les prisons du chah dont elle a hérité de nombreuses séquelles, notamment la perte de l’ouïe d’une oreille, avant de tomber martyre en février 1982 sous Khomeiny. Le procureur Lajevardi n’a pas hésité à déchiqueter son corps devant les yeux des prisonniers politiques. Je salue Achraf et tous martyrs de la lutte pour la liberté.
Toutes ces souffrances, tous ces sacrifices, sont le prix de la liberté : un tiraillement perpétuel qui répond à la question d’« être ou ne pas être » de toute l’humanité. C’est ainsi que la cause de la liberté n’a jamais été étouffée malgré les tyrans, et la rage enflammée des opprimés finira par abattre les fondements de l’oppression.

Les femmes sont les premières victimes de l’oppression dans l’histoire. Elles doivent non seulement supporter l’oppression politique, social et économique, mais en plus se sentir coupable d’être femme. Or, les femmes constituant la moitié de l’Humanité, leur oppression systématisée par des prétextes culturel et sexuel affecte automatiquement l’autre moitié que sont les hommes, soumis à l’aliénation.
Par conséquent, la véritable liberté de l’individu et de la société n’est finalement accessible qu’à travers l’émancipation des femmes opprimées. En d’autres termes, la discrimination sexuelle transcende et affecte tous les autres domaines de l’existence.
Sa’adi, le grand poète iranien du XIIe siècle, l’a dit avec éloquence :
Les descendants d’Adam ne font qu’un
Unis par les valeurs dès leur naissance
Si l’un d’entre eux est affecté par le destin
Les autres ne trouveront jamais la sérénité

L’histoire en dit long sur l’esclavage et s’enorgueillit d’y avoir mis fin. Mais elle dit si peu des « esclaves des esclaves », cette partie de la société qui est la plus affectée, la plus opprimée. Aujourd’hui, nous sommes réunis ici pour faire entendre leur voix, perdue dans le silence glaçant des siècles : la voix des femmes, la voix des opprimés.

Les femmes, la voix des opprimés

L’histoire de l’humanité est une suite de luttes acharnées pour la liberté, mais aussi d’une triste chronique de l’oppression. Après être parvenu à s’affranchir des contraintes de la nature, l’être humain s’est retrouvé dans les carcans de ses semblables. L’histoire a dont commencé avec l’oppression de l’homme par l’homme. L’esclavage, cette grande tragédie de l’histoire, a été véhiculé par des Néron et pharaons, qui faisaient taire la voix des opprimés sous les claquements des fouets. Ne restait que le cliquetis des chaînes qui sonnait la gloire des ténèbres de l’ère de l’esclavage.
L’humanité devait-elle rester à jamais à la merci de ce destin aveugle ? La réponse est venue de Nazareth, lorsque Jésus-Christ a proclamé : « Il m’a envoyé pour guérir les cœurs brisés… et pour libérer les opprimés ».
Le message de Jésus était une déclaration claire sur la destinée humaine : « on peut et on doit se rebeller contre la servitude et l’esclavage. »

Sans doute, la révolte de Spartacus puisait-elle ses racines dans la conviction que l’esclavage n’était pas une fatalité et que la liberté est accessible, même si Spartacus et ses compagnons étaient conscients que pour eux elle restait inconcevable et que l’avenir ne leur réservait que la crucifixion. A la veille de sa dernière bataille, Spartacus s’adressa à ses compagnons pour leur dire : « Mes amis, nous avons parcouru un long chemin ensemble, désireux de retourner sur notre terre natale. Mais demain, nous devrons nous battre à nouveau. Peut-être n’y aura-t-il pas de paix et de tranquillité pour nous dans ce monde. Néanmoins, je suis sûr que nous sommes des hommes libres. »
Le lendemain, 6000 esclaves ont été crucifiés sur la route de Capoue à Rome. Le prix de la liberté. Mais la voix tonitruante des opprimés a résonné partout et a mis fin à l’ère de l’esclavage. En effet, les pages de l’histoire peuvent regorger d’oppression, de douleur et de sang, mais au-delà de toute amertume et humiliation se trouve la douceur et la magnificence de la libération.

Il fut un temps où des tyrans comme Attila, Gengis Khan et Hitler ravageaient la planète, mais maintenant, l’ère des communications et de l’information mondiales, l’interdépendance des civilisations et les nouvelles relations entre les nations inhibent de tels excès. L’histoire n’a jamais cessé sa progression. En défiant sans relâche tous les obstacles à la liberté, l’humanité s’est libérée des chaînes des relations sociales et politiques désuètes et a foncé en avant.
Cependant un cri, un seul cri, est resté sans réponse, étouffé dans les ténèbres du silence : le cri des « esclaves des esclaves », celui des femmes, la voix de celles qui subissent la pire des oppressions. L’oppression sexuelle est si profonde que personne n’a voulu croire à son existence, personne n’a voulu reconnaître le mal, comme si la nature le voulait aussi.
Je suis une femme.
Les pieds nus
J’arpente la terre desséchée
A la recherche d’une goutte d’eau…

Les femmes ont été doublement réduites en esclavage, une fois comme tous les autres, tous les peuples opprimés, subjugués et exploités à toutes les époques, et une fois pour être femme. Oui, la trace des chaînes de l’esclavage sont visibles aux chevilles des femmes et leur voix s’entend dans leurs cris étouffés.

Extrayant la racine historique de l’oppression des pages poussiéreuses de l’oubli, Simone de Beauvoir expliquait que toutes les classes sociales assujetties n’ont pas existé à un moment donné. Elles ont été créées par la suite. Elle met en valeur le fait que les femmes ont toujours été là et sont femmes par leurs traits physiologiques. Cependant, ajoute-t-elle, le mot « femme » trouve spontanément une résonnance dégradante aux oreilles de l’homme qui ne peut l’imaginer que dans un mélange d’exploitation sexuelle et d’humiliation.
L’histoire des femmes est le récit d’une oppression latente tissée au plus profond de leur vie et de leur existence. Les liens qui unissent les femmes à leurs oppresseurs omniprésents sont incomparables à tous les autres liens entre opprimés et oppresseurs. Elles n’imaginent même pas se rebeller. La tragédie atteint son comble quand elles supposent que cette servitude est fatale et éternelle.

La misogynie des mollahs

Plus foudroyante est la tragédie des femmes dans notre patrie mortifiée : l’Iran. Les mollahs au pouvoir ne se limitent pas à argumenter que la femme est une esclave par nature, ils nient même leur appartenance à l’espèce humaine. Peut-on parler des femmes et du mouvement pour l’égalité sans dénoncer la misogynie et la barbarie des intégristes qui gouvernent l’Iran ?
Je ne sais pas par quel bout de cette tragédie commencer, par les centaines de femmes agressées dans la rue chaque jour ou les arrestations et les coups de fouet ? Ou encore des femmes respectables forcées d’avouer qu’elles se prostituent, uniquement pour la couleur de leurs vêtements ou d’une mèche de cheveux qui dépasse le foulard ? Ou des femmes impitoyablement lapidées ?
Ou devrais-je vous raconter l’histoire tragique des fillettes de neuf ans forcées de se marier selon les lois des mollahs ? Ou des adolescentes de 12 ou 13 ans vendues à des hommes de 50 à 70 ans ? Des enfants innocents qui dépérissent sous le stress physique et psychologique ? Ou devrais-je parler des nombreuses victimes d’immolation et d’autres formes de suicide ?
Selon les médias, au début de 1992, les jeunes filles étaient vendues pour 60 et 70 dollars dans les zones défavorisées de la province de Khorassan (nord-est) et du Sistan-Baloutchistan (sud-est). Dans le seul Khorassan, 1700 de ces fillettes avaient été abandonnées.
Vous avez probablement entendu parler de la tragédie de millions de petites tisseuses de tapis en Iran, qui travaillent dans des ateliers humides et sales, où elles contractent la paralysie, la tuberculose et des dizaines d’autres maladies. Ces filles tissent les traits de leur jeunesse sur les tapis qu’elles fabriquent.
Ou devrais-je parler de la multitude de cadres, d’enseignantes et d’ouvrières licenciées simplement parce qu’elles étaient des femmes ? Selon les statistiques officielles du bureau national du recensement en 1986, seuls 9 % des personnes ayant un emploi étaient des femmes. La situation n’a fait que se dégrader depuis.

Ou devrais-je raconter les histoires de la souffrance indicibles de millions de veuves, de femmes et d’enfants sans abri victimes de la guerre antipatriotique ? La douleur de l’exode, de la calomnie et de l’humiliation ; les pressions de la misère, du viol et de la répression ?
Ou devrais-je vous parler de l’épopée de dizaines de milliers de résistantes sauvagement torturées ou exécutées, coupables d’avoir défié la théocratie et combattu dans les rangs de la Résistance pour la liberté ?
Ou devrais-je parler de la brutalité et de la cruauté des bourreaux du régime, qui ont envoyé des grands-mères, des femmes enceintes et des jeunes filles devant des pelotons d’exécution sans même établir leur identité ?
Ou devrais-je vous raconter les histoires choquantes de jeunes femmes écrasées sous des tortures vicieuses, violées et vidées de leur sang à la veille de leur exécution, le tout conformément aux fatwas des mollahs ?
Permettez-moi de souligner que ni le peuple, ni l’Histoire, ni Dieu n’ignorent ces atrocités. Ces criminels devront répondre de la destruction de tant de talents et de potentiels humains. Le Coran interpelle ainsi ceux qui tuaient les petites filles : « Que répondrez-vous quand on vous demandera pour quel péché vous les avez assassinées ?»
Salut à ces héroïnes martyres enchaînées, qui malgré toute la sauvagerie, n’ont jamais cédé et ont continué à résister pour la liberté. Dans leur quête acharnée, elles sont devenues des icônes de la liberté. En effet, comme l’a dit Achraf Radjavi : « Le monde n’a jamais su ce que le peuple iranien, et en particulier les Iraniennes, ont vécu ces dernières années ».

Le chef du pouvoir judiciaire du régime, le mollah Mohammad Yazdi, a officiellement proclamé à la prière du vendredi 27 novembre 1992 : « Une femme a besoin de la permission de son mari pour quitter son domicile, même pour assister aux funérailles de son père.»
Un autre mollah, Ahmad Azari-Qomi, l’un des idéologues du régime, déclare : « Le Guide suprême peut marier de force des filles contre leur volonté et celle de leur père ».
Le mollah Mohammad Sadoughi, qui était le représentant de Khomeiny dans le centre de l’Iran, a dit un jour lors d’une réunion de l’Assemblée des experts : « Ce serait une honte et une abjection pour nous d’avoir une femme au poste de président de la République ou de Premier ministre ».
Pour justifier leurs mensonges astronomiques, l’enseignement théologique des mollahs spécifie qu’il faut mentir à trois catégories de personnes : « Les femmes, les infidèles et les hypocrites ».
Le comble de l’infamie c’est que les mollahs attribuent leurs atrocités misogynes et leurs visions rétrogrades à l’islam, alors que tous ces crimes, toute cette démagogie, ne servent qu’à les maintenir au pouvoir.

Rappelons l’avertissement du Coran : « Malheur à ceux qui écrivent des choses et les attribuent ensuite à Dieu afin d’atteindre leurs propres fins ».
C’est contre un tel monstre sorti des fin-fonds des ténèbres que se sont soulevées les femmes en Iran ; un monstre dont la survie dépend de la misogynie et de ségrégation sexuel. Cette bête n’est pas seulement l’ennemie du peuple iranien ; elle est en guerre contre l’humanité tout entière.

L’intégrisme : un danger mondial

Les tentacules sanglants de la pieuvre de l’intégrisme au pouvoir à Téhéran s’étendent dans tout le monde musulman et s’affichent comme la menace la plus imminente pour la paix au Moyen-Orient et dans le monde. Abusant des croyances religieuses de plus d’un milliard de musulmans, les mollahs au pouvoir en Iran promeuvent l’expansionnisme, tout en exportant la crise et la discorde. Leur politique étrangère consiste à se mêler des affaires des pays musulmans, à promulguer des fatwas pour assassiner des ressortissants étrangers et à lancer des opérations terroristes hors des frontières. D’autres aspects de cette politique comprennent des dépenses astronomiques pour l’achat d’armements de toutes sortes, en particulier des armes de destruction massive comme les armes biologiques, chimiques et nucléaires.
Une telle politique étrangère est inhérente à la nature des fondamentalistes. La théocratie en Iran se nourrit de crises. Elle est hostile à la plus importante initiative de paix mondiale au Moyen-Orient et ses politiques et actions ne font qu’alimenter les extrémistes et les fondamentalistes bellicistes, car la survie de ce régime dépend de la poursuite des crises et des conflits.
Ces réalités démontrent à quel point le spectre inquiétant du fascisme religieux hante la paix internationale. La communauté mondiale, à son tour, a le devoir moral d’affronter et de surmonter ce phénomène.

Je souligne encore une fois que ces réactionnaires qui répriment le peuple iranien et en particulier les femmes et qui engendrent crises et terrorisme hors d’Iran n’ont rien à voir avec l’islam. Ce sont des marchands de religion qui abusent du nom de l’islam pour promouvoir leurs objectifs néfastes et inhumains. L’islam est une religion de paix, de liberté, d’égalité, d’amour, de miséricorde et d’émancipation. L’intégrisme génère la haine, l’inimitié et l’ignorance. Il est en guerre avec les valeurs humaines et la paix mondiale.
Alors que nous approchons de la fin du XXe siècle, l’impudence des intégristes s’est affichée lors d’importants débats sur la scène internationale. En 1993, lors de la Conférence internationale des droits humains à Vienne, le régime iranien s’est opposé au principe de l’universalité des droits humains. En 1994, lors de la Conférence mondiale sur le contrôle de la natalité au Caire, il s’est opposé au droit des femmes à la contraception. En 1995, lors de la Conférence mondiale sur les femmes à Pékin, il s’est opposé au principe d’égalité entre les femmes et les hommes. Et en 1996, obstiné dans sa poursuite du terrorisme et d’hostilité à la paix, il a rejeté le sommet de Charm-al-Cheikh.

Les femmes à la tête du front uni contre l’intégrisme

La communauté internationale ne se rend pas compte des méfaits de la politique de complaisance à l’égard de la dictature religieuse et terroriste en Iran qui en profite pour donner libre cours à une politique de chantage par des actes terroristes, prenant en otage la politique des Etats occidentaux et leurs principes moraux.
Les événements de ces derniers mois confirment que le régime des mollahs profite toujours de ses facilités diplomatiques pour s’ingérer dans les pays du Moyen-Orient et se livrer à des assassinats en Occident. Il y a deux mois, les mollahs ont déclaré pour la énième fois que la question de la fatwa contre le romancier britannique Salman Rushdie ne pouvait être réglée que par son assassinat. Face à un tel régime, la détermination est la seule issue possible. Ce n’est pas seulement une obligation morale et humanitaire, mais aussi une nécessité politique et historique dont dépend l’avenir de la démocratie, du développement et de la paix.

C’est là où la question des femmes et du mouvement pour l’égalité interfère avec la lutte contre l’intégrisme. Les femmes sont non seulement à la tête du mouvement pour l’égalité, mais elles sont aussi le moteur du développement, de la paix et de la justice sociale. Dans ce contexte, les documents de la Conférence mondiale des femmes de Pékin soulignent sans équivoque que « sans une participation active des femmes et sans prise en compte de leurs opinions à tous les niveaux du leadership, les objectifs d’égalité, de développement et de paix ne peuvent être atteints ».
Oui, à mon avis, l’humanité ne sera débarrassée du spectre de l’intégrisme que lorsque les femmes assumeront leur rôle de premier plan dans ce défi mondial et puiseront tous les moyens démocratiques pour empêcher toute politique de complaisance à l’égard des mollahs misogynes et inhumains d’Iran. L’intégrisme est non seulement un problème majeur pour les pays musulmans, mais aussi une priorité dans la politique extérieure de bon nombre de pays dans le monde.

Permettez-moi donc d’appeler mes sœurs à travers le monde entier à constituer un front uni contre l’intégrisme. Une telle coalition comprendrait toutes les femmes et tous les hommes défenseurs des humains et progressistes, qui soutiendront les Iraniennes, premières victimes de l’oppression des mollahs. Un front commun contre l’intégrisme sert les intérêts de la paix mondiale et empêchera une répétition de l’amère expérience de la politique de complaisance avec le nazisme à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Ouvrir la voie au mouvement pour l’égalité

Je tiens à souligner ici que le rôle moteur des femmes dans la lutte contre l’intégrisme sert doublement le mouvement pour l’égalité et l’effort pour éradiquer la discrimination sexuelle. La seule façon de propulser ce mouvement vers l’avant est de le lier à un mouvement politique progressiste. Si les femmes n’ont aucune part dans le pouvoir politique ; si elles ne font pas partie du leadership et des processus décisionnels dans les questions sociales ; si elles ne jouent pas un rôle sérieux et égal dans la gestion économique ; et si elles ne sont pas activement et visiblement impliqués dans la politique internationale ; tous les discours sur l’égalité entre femmes et hommes sonnent creux. La véritable égalité ne se réalise que lorsque les femmes assument des rôles clés dans la résolution des principaux défis du jour.

Le leadership des femmes

Afin de renverser le système de discrimination sexuelle et d’apporter des changements fondamentaux, les femmes doivent prédominer pour une période, dans le leadership politique. L’objectif d’un tel rôle prédominant dans le leadership est de garantir l’égalité et de déraciner l’oppression sexuelle, et non de remplacer le patriarcat par le matriarcat. Un tel remaniement exercera des influences émancipatrices. Il libèrera des énergies humaines qui permettront de surmonter les impasses auxquelles la société humaine est actuellement confrontée. Il en surgira de nouveaux codes de relations humaines, tant au sein d’une communauté qu’à l’échelle mondiale.

Victimes des siècles d’oppression systématisée, les femmes pourront se faire l’écho des voix de tous les peuples opprimés. Aujourd’hui, la voix des femmes est bien la voix des opprimés : la voix des enfants privés de tout droit et de toute occasion de progresser, la voix des pauvres, privés des minimums nécessaires de survie mais aussi de toute compassion.
C’est maintenant au tour des femmes de se rebeller contre toutes les formes d’oppression. C’est à elles de se lever pour mettre fin à l’oppression et à l’inégalité fondées sur le sexe afin d’unir les femmes et les hommes dans leur véritable identité humaine. Elles doivent se rebeller et donner un nouveau souffle à la société humaine, renverser les piliers de toute oppression, bouleverser l’ordre établi et tracer une nouvelle voie.

L’expérience des femmes dans la Résistance iranienne

Permettez-moi maintenant de parler des acquis des femmes dans la Résistance iranienne ; des acquis qui appartiennent en réalité à toutes les femmes du mouvement pour l’égalité. Pour les améliorer, nous avons besoin des idées et des expériences de nos sœurs dans le monde entier.
Après un siècle de luttes sociales, les femmes ont été la cible privilégiée de la dictature religieuse et terroriste en Iran. L’émergence de ce monstre arriéré et la dégradation de la condition féminine n’avaient qu’un seul message pour les femmes : la résistance jusqu’au bout. La capitulation et la soumission étaient impossibles. Les femmes ont pris part à la lutte politique et se sont soulevées pour résister aux intégristes et pour défendre les libertés démocratiques. Désormais, elles se font l’écho de toute une nation enchaînée et opprimée, mais fière et résistante.

Après 15 ans de lutte contre le pouvoir en place, ces pionnières occupent des postes clés et à la direction de la Résistance. Cinquante-deux pour cent du Parlement de la Résistance sont des femmes. Le Commandement général de l’Armée de libération nationale d’Iran est essentiellement composé de femmes, et le conseil de direction des Moudjahidine, principal composant du mouvement de Résistance, est entièrement composé de femmes. A divers niveaux de commandement, ce sont les femmes qui dirigent les unités de combat et les unités spécialisées de l’armée de Résistance, et elles se trouvent à la tête de la structure politique et de l’organisation du mouvement. Sous leur direction, les divisions entre hommes et femmes dans le travail appartiennent au passé.

Un bon en avant dans l’émancipation féminine

Mais comment avons-nous réalisé de tels acquis ?
Il y a douze ans, dans une lutte à la vie à la mort contre la dictature religieuse, notre mouvement a été persuadé de la nécessité d’extraire tout le potentiel des femmes dans ce combat. Malgré le rôle de premier plan qu’elles jouaient dans la lutte contre le régime, un grand obstacle les empêchait d’aller plus loin, à savoir, les doutes qui persistaient sur leurs propres capacités.
Dans l’histoire de l’émancipation des femmes, la tragédie et l’héroïsme sont souvent étrangement liés. C’est mon sentiment constant à l’égard des luttes menées par les femmes. Le patriarcat était tellement ancré dans la culture de la société que les murs de la discrimination sexuelle persistaient malgré tout l’héroïsme des femmes dans le combat et malgré des dizaines de milliers de femmes qui sont tombées martyres.

C’est alors que nous sommes arrivés à la conclusion qu’un changement progressif s’avérerait inutile, que l’élément manquant et la véritable solution pour briser cet état d’esprit était la participation des femmes dans le leadership.
En effet, dans notre confrontation avec l’intégrisme au pouvoir, nous ne pouvions admettre le moindre point commun avec leurs critères. Inévitablement, nous devions cibler le cœur de cette misogynie qui nie l’identité humaine des femmes, un déni qui se concrétise par un refus catégorique d’accepter leurs compétences à la direction de la société. De cette façon, les femmes pouvaient franchir les barrières de l’humiliation et de l’oppression historiques ancrées dans leur propre pensée et croire en elles-mêmes. De même, les hommes seraient convaincus qu’ils n’avaient plus à remettre en question les capacités des femmes ayant combattu à leurs côtés sur tous les champs de bataille pour la liberté. Ces changements ont constitué une véritable révolution dans l’esprit de tous les Moudjahidine du peuple et nos femmes ont surmonté les obstacles qui les empêchaient de croire en leurs capacités. Il ne s’agissait plus de quelques femmes isolées, mais bien de toute une génération de femmes émancipées qui parvenaient à assumer des rôles clés dans le leadership du mouvement.

Une révolution des esprits

Ce qui a le plus influencé l’entourage de ces femmes, c’est leur sens des responsabilités, leur volonté d’apprendre, leur engagement dans la discipline, leur impressionnante capacité de décision et, surtout, le dévouement désintéressé qui émane de leurs qualités humaines.
C’est dans ce cheminement qu’elles ont surmonté leurs doutes. Elles se sont redécouvertes comme des êtres libres n’ayant pas été créés pour les hommes, ayant une identité indépendante et n’appartenant à personne. Elles ont compris que leur corps et leurs sentiments n’appartiennent qu’à elles-mêmes. Elles ont vaincu le monde du « sexe faible », un monde de subordination et d’irresponsabilité pour renaitre dans une nouvelle identité humaine.
Les premiers signes de ce nouveau monde se font voir dans les relations entre les femmes elles-mêmes. Elles ont appris à s’aimer les unes les autres, créant une nouvelle solidarité, acceptant facilement le commandement d’autres femmes.
Plus important encore, un nouveau mode de relations homme-femme s’est développé dans ce concept et a mené à une armée mixte avec une grande capacité de combat et en même temps des relations humaines qui suscitent l’admiration de nombreux observateurs.
Et enfin, l’un des acquis majeurs de cette évolution est l’émancipation qu’elle a générée chez les hommes qui se sont eux aussi découverts de nouvelles capacités. Les hommes qui se sont ralliés à cette évolution, ont accepté de payer le prix de sa réussite et sont fiers d’être dans ce mouvement pour l’égalité.
Dans le monde des discriminations, les hommes sont aussi, d’une certaine manière, asservis par leur soif de dominer. Et puis un homme qui nie les capacités humaines des êtres les plus proches comme sa mère, sa sœur et son épouse, nie quelque part ses propres valeurs humaines. Sinon, comment sa conscience peut-elle admettre une telle oppression ? Nous avons vu une génération d’hommes retrouver cette identité humaine dans le mouvement contre la ségrégation sexuelle ; des hommes ayant affiché leur émancipation en acceptant le leadership des femmes.

Nous avons assisté à la naissance d’une génération de femmes et d’hommes libérés de toute contrainte, phares d’une nouvelle donne dans les relations humaines. Cette évolution qui s’est produite sous la direction de Massoud Radjavi, a provoqué un bond en avant de notre mouvement. Bien sûr, sous cette même direction, cette génération s’était aguerrie dans une résistance anti-intégriste tous azimuts. Son cheval de bataille a été le rejet du moindre compromis avec les intégristes sur la scène politique. Elle a commencé sa résistance le 20 juin 1981 pour protester contre la suppression des libertés et a continué en offrant 100 000 martyres à la lutte pour les droits fondamentaux du peuple iranien, à savoir la liberté et la souveraineté nationale et populaire et ne fléchira pas tant qu’elle n’aura pas obtenu gain de cause.
Cette génération a écrasé la démagogie des mollahs à propos de la guerre et a entravé l’exportation de l’intégrisme en faisant campagne sans relâche pour la paix à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Iran.

Par un altruisme sans faille, cette génération a levé le masque sur les supercheries des mollahs au nom de la religion, parvenant à afficher ce mouvement de résistance comme la réponse démocratique, progressiste et populaire à l’intégrisme : une véritable antithèse de l’intégrisme. Dans cette lutte, les Moudjahidine du peuple et les résistants iraniens ont dû tout abandonner pour garantir la libération de leur peuple et de leur patrie bien-aimés. Ils devaient rejeter dans leur façon de penser, tous les éléments de l’idéologie intégriste au pouvoir, notamment toute forme de discrimination sexuelle, ouvrant ainsi la voie à l’émancipation et la prise de responsabilité des femmes.

Quelques points clés pour le mouvement pour l’égalité

Permettez-moi, dans le peu de temps qui me reste, de mentionner les points les plus importants de notre expérience :
Premièrement, pour entamer le processus d’éradication des relations fondées sur la ségrégation sexuelle, les femmes doivent s’engager dans la lutte politique et sociale.
Deuxièmement, les femmes doivent occuper des postes à la direction politique et sociale. Au sein même du mouvement pour l’égalité, au moins 50% des postes clés de responsabilité doivent être occupés par des femmes. La privation historique des femmes doit être compensée par une priorité reconnue dans ces postes. Il faut donc un système de quotas qui favorise le plus d’engagement possible des femmes dans les responsabilités sociales. L’objectif de ces privilèges est d’assurer une plus grande émancipation des femmes et des hommes, et la fin de l’exploitation et de la ségrégation sexuelle.
Troisièmement, l’émancipation des femmes est une condition préalable à celle des hommes. Il s’agit là d’un critère. Les solutions qui ne visent qu’à échanger la place des femmes avec celle des hommes et qui aggravent le conflit entre les genres n’aboutiront pas à l’émancipation. Il faut créer un nouveau cadre de relations humaines qui puissent assurer l’égalité entre hommes et femmes.

Quatrièmement, juste à l’opposé des intégristes misogynes, il faut insister sur le fait que droits des femmes et droits humains ne sont pas deux choses distinctes. Les droits humains englobent tous les droits individuels et sociaux énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Sur cette base, la femme est maîtresse de son le corps et de ses sentiments et elle a droit à la contraception.
Cinquièmement, pour toutes les femmes les responsabilités sociales et politiques peuvent être incompatibles avec la vie de famille. Nous croyons qu’il faut reconnaître à la femme, surtout aux résistantes et militantes du mouvement pour l’égalité, le droit au libre choix dans ses priorités, pour qu’elle puisse le cas échéant, opter pour ses responsabilités politiques et sociales.

Les droits et libertés des femmes dans l’Iran libre de demain

La large participation des femmes dans le mouvement de résistance a créé un concept culturel et une conviction qui favorisent l’éradication de la ségrégation sexuelle. Cette participation avec son lourd tribut de sang et de souffrances et en même temps débordant de dévouement et d’altruisme est le meilleur crédit pour la reconnaissance de l’égalité et des droits des femmes en Iran.
Contrairement à la théocratie en place à Téhéran qui considère la femme comme une esclave et qui la prive clairement, dans sa Constitution, du droit d’accéder aux postes de juge, à la présidence de la République et à la direction, les droits et libertés des femmes sont reconnus sans équivoque dans le programme du Conseil national de la Résistance iranienne et du gouvernement provisoire, ainsi que dans une déclaration spécifique ratifiée par le CNRI sur les libertés et les droits des femmes.
Ainsi, je réaffirme les droits reconnus des femmes dans l’Iran de demain :

1. Les droits sociaux, politiques et économiques des femmes seront complètement égaux à ceux des hommes ;
2. Les femmes jouiront du droit à une activité politique et sociale libre, à des relations sociales et à voyager sans l’autorisation d’une autre personne ;
3. Les associations de femmes seront reconnues et leurs organisations bénévoles seront soutenues à l’échelle nationale ;
4. Afin d’éradiquer l’inégalité et la ségrégation, des privilèges spéciaux seront envisagés pour les femmes dans divers domaines sociaux, administratifs et culturels ;
5. Les femmes auront le droit d’élire et d’être élues à toutes les élections, et le droit de suffrage à tous les référendums ;
6. Les femmes auront le droit à l’emploi et au libre choix de leur profession, le droit d’occuper n’importe quel poste public ou gouvernemental et le droit d’être juges dans tous les organes judiciaires ;
7. La discrimination entre femmes et hommes à l’embauche et pendant l’emploi est interdite. Les femmes et les hommes recevront un salaire égal pour un travail égal. Ils recevront une pension de retraite, des allocations d’invalidité, des allocations familiales, une pension alimentaire et une assurance chômage identiques ;
8. Les femmes auront le droit d’utiliser, sans discrimination, toutes les ressources éducatives, sportives et artistiques, et auront le droit de participer à toutes les compétitions sportives et toutes les activités artistiques ;
9. Les femmes seront entièrement libres de choisir leur mode vestimentaire ;
10. Les femmes seront entièrement libres de choisir leur conjoint, de se marier et de divorcer, et jouiront des mêmes droits que les hommes ;
11. Les inégalités juridiques concernant le témoignage, l’héritage et la tutelle des enfants seront éliminées. Pendant la grossesse, l’accouchement et l’éducation des enfants, les femmes bénéficieront de droits et d’allocations spéciaux. Les femmes veuves ou divorcées et les enfants dont elles ont la charge seront pris en charge par le système de protection sociale du pays ;
12. Toute exploitation sexuelle des femmes, sous quelque prétexte que ce soit, sera interdite. Toute contrainte imposée aux femmes dans la vie familiale sera interdite, ainsi que le mariage avant l’âge adulte ;
13. La polygamie sera interdite ;
14. L’emploi des filles mineures sera interdit et elles bénéficieront de privilèges spéciaux en matière d’éducation.

Mesdames et Messieurs,
Chers compatriotes,
Ce que je viens d’énumérer sont les droits naturels des femmes qui ont été ignorés et niés pendant des siècles. Les femmes ont été réprimées rien que pour avoir revendiqué ce minimum de droits. Ce sont les revendications communes de nos sœurs du monde entier.
Mais l’histoire de mon pays a quelque chose de différent, car :
– La puissante résistance des femmes iraniennes, leurs souffrances, le sang versé de dizaines de milliers de femmes martyres et torturées ont donné un nouveau sens à ces mots et les ont liés au courage, au sérieux, à l’amour de la vie et à l’espoir de construire l’avenir.
– Les femmes en Iran ont défié l’humiliation des mollahs. Elles ont défié la tête haute les gardiens de l’inégalité.
– Les femmes et les mères ont renoncé à leur vie familiale en faveur de la lutte pour la liberté de leur peuple et de leur pays, et se sont séparées pour une durée indéterminée de leurs enfants bien-aimés.
– Les femmes ont assumé les responsabilités les plus lourdes et les plus complexes dans la lutte contre l’intégrisme misogyne et inhumain.
Chères sœurs qui vous êtes révoltées contre l’inégalité,
Mes frères, vous les hommes qui avez choisi de suivre votre conscience plutôt que d’opter pour les privilèges spéciaux de la domination masculine,
Je vous appelle à venir en aide à notre mouvement de Résistance contre la tyrannie religieuse la plus perverse de l’histoire. Je vous demande de vous lever et de vous donner la main pour former une coalition mondiale et un front contre l’intégrisme.
Les mollahs misogynes et inhumains veulent détruire les droits et les libertés des femmes et de bafouer leur dignité humaine afin de renforcer les piliers de leur régime.
Et enfin, un mot pour les mollahs : vous vous trompez lourdement. Non seulement vous ne parviendrez pas à atteindre vos objectifs, mais en plus le sort qui vous attend servira d’exemple à tous les tyrans qui pensent pouvoir régner par la prison, la répression et les humiliations. Si vous pensez que vous pouvez obtenir gain de cause parce que la libre pensée a disparu dans le monde, c’est une grave erreur. Vous avez fait tout votre possible pour humilier, réprimer, torturer et massacrer les femmes iraniennes, mais soyez certains que vous recevrez le coup de grâce des femmes qui ne sont rien pour vous et que votre idéologie arriérée ne prend pas en considération. A l’aube du 21ème siècle, les consciences du monde entier, la Résistance du peuple iranien et les combattants de la liberté ne vous permettront pas de continuer d’abuser de la religion.

En pour finir, je m’adresse à toutes mes sœurs qui sont ici, en Iran, et dans les meetings qui se tiennent dans les autres pays :
Toutes les femmes qui ont souffert, qui ont été réprimées avant vous dans l’Histoire de l’Humanité et toutes les femmes, tous les hommes et tous les enfants des siècles à venir ont les yeux fixés sur vous. Ils vous demandent d’être à la hauteur de votre rôle historique et de l’assumer. C’est vous qui propulserez l’histoire dans l’âge d’or de l’égalité, de la paix, de la démocratie et du développement.
Je salue toutes les femmes et tous les hommes épris de liberté, toutes celles et tous ceux qui payent le lourd tribut de la liberté où que ce soit dans le monde. La victoire est devant vous, elle vous appartient et vous attend. Les opprimés d’aujourd’hui sont les vainqueurs de demain. Leur voix résonnera pour l’éternité.

Maryam Radjavi

Maryam Rajavi

Présidente-élue du Conseil
national de la Résistance
Iranienne

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